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La stratégie n’est PAS une question de profit

Si votre stratégie se résume au profit, alors vous n’avez pas de stratégie — vous avez un compte de résultats.

Norman J. Fisch & Lidia N. Rahal

Le profit est un indicateur de succès et de survie sur le marché, mais il est facile de confondre cause et résultat. C’est pourquoi tant de dirigeants considèrent encore le profit comme l’objectif stratégique ultime. En apparence, c’est logique ; mais c’est une erreur. Le profit n’est pas une stratégie ; c’est une conséquence. Et cette confusion coûte cher. Voici pourquoi.

La véritable stratégie crée de la valeur à travers plusieurs dimensions : les actifs immatériels, les processus, la confiance des clients — et, bien sûr, la performance financière. Le profit n’émerge que lorsque ces différentes formes de valeur s’alignent et se renforcent mutuellement. C’est la raison pour laquelle Apple encourage ses équipes à se concentrer sur l’expérience utilisateur plutôt que sur les marges, Amazon a construit tout son écosystème autour de la satisfaction client pilotée par les données, et la réputation de Brandt s’est effondrée dès qu’elle a privilégié le profit à court terme au détriment de la qualité.


La valeur naît de l’invisible


Culture, structure et ressources humaines sont des actifs immatériels. Une culture forte aligne valeurs, éthique et stratégie. Un style organisationnel et managérial adapté favorise la cohésion et les décisions éclairées. L’information et le partage des connaissances transforment les idées en action, tandis que le capital humain (compétences, talents et discernement) convertit la raison d’être en performance. ATOZ Luxembourg illustre notamment comment l’autonomie des équipes transforme l’engagement en succès durable, Ferrari continue de prospérer en faisant du savoir-faire et de la fierté de ses équipes une source de luxe intemporel, tandis que Nokia a perdu sa domination lorsque la bureaucratie a remplacé l’agilité.

Les processus créent de la valeur par la manière même dont le travail est accompli. C’est à ce niveau que les ressources, l’énergie et les talents se transforment en résultats. Ils connectent innovation, logistique et production en systèmes efficaces qui déterminent à la fois la qualité du produit et son impact. Des processus bien conçus ne livrent pas uniquement des résultats : ils déterminent avant tout la façon dont la valeur (mais aussi des externalités) sont produites. La Provençale a cultivé la fidélité de ses clients en standardisant la qualité et l’approvisionnement local, POST Luxembourg a modernisé sa logistique grâce au numérique, tandis qu’un manque de planification et des failles de processus ont conduit de nombreuses entreprises de construction à la faillite.

Le client achète lorsqu’il perçoit une véritable valeur, sous la forme de qualité, d’utilité ou de fiabilité. Cette valeur découle directement des processus ; de la manière dont les ressources et l’innovation se transforment en produits et services dotés des bonnes caractéristiques et performances. La force de la marque, la réputation et la communication amplifient cette perception (d’autant plus que les consommateurs valorisent désormais autant la durabilité que le prix ou la fonctionnalité). Au final, ils vous comparent à vos concurrents et achètent selon ce qu’ils valorisent le plus. Oberweis a élevé le service client au rang d’art de la gourmandise, Luxlait a gagné la confiance nationale en alliant tradition et qualité constante, tandis que Nike, avec son virage digital forcé et son obstination à réduire les coûts, a affaibli son identité de marque.

Enfin, la dimension financière saisit la valeur une fois qu’elle est monétisée. Le profit n’apparaît que lorsque le prix que les clients sont prêts à payer dépasse le coût total de création de cette valeur. Il incarne la manière dont les actifs immatériels, les processus et la satisfaction des clients se convertissent en performance économique — la face visible d’un système invisible. Toyota a fait de l’innovation lean un moteur d’efficacité ; IKEA a su équilibrer design et accessibilité ; tandis que Boeing, en sacrifiant la sécurité du 737 MAX au profit d’une réduction des coûts, a précipité son crash boursier.


Le profit n’est pas un but, mais un résultat


Lorsqu’une entreprise se focalise exclusivement sur le profit, elle finit souvent par fragiliser les fondations mêmes qui le génèrent. Lorsque les entreprises créent de la valeur avec une intention stratégique, la prospérité suit naturellement. Les dirigeants responsables, chez Ferrari, IKEA ou Oberweis, le savent : la valeur naît d’équipes engagées, de processus optimisés et durables, et d’offres ciblées en phase avec des besoins réels. À l’inverse, même les organisations les plus solides, telles que Enron ou Arthur Andersen, peuvent sombrer, comme le Titanic. Non pas à cause d’une seule tempête, mais lorsque l’agilité s’éteint, que les fissures se propagent en silence, que les clients se perdent et que les marges disparaissent.

Et vous, en tant que dirigeant, quelle est votre approche ? Considérez-vous les personnes, les processus et la raison d’être comme des coûts, ou comme un capital ?


Par Norman J. Fisch, CEO & Advisor & Lidia N. Rahal, Head of ESG Reporting & Advisor


Cet article a été publié le 16 octobre 2025 dans la newsletter de PaperJam : La stratégie n’est PAS une question de profit | Paperjam News

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